A Rouen, « 60 000 rebonds » aide les chefs d’entreprise à surmonter l’échec
La stigmatisation de l'échec reste profondément ancrée dans la culture française. Encore plus quand il s'agit d'un chef d'entreprise. Quand une liquidation survient, c'est comme un fer rouge qui marque le dirigeant. Au triple traumatisme financier, personnel et professionnel qu'il vient de subir, s'ajoute l'impression qu'il sera impossible de retomber sur ses pieds et retrouver le chemin des affaires. Pourtant, les talents et les expertises sont là. Ils sont même renforcés, puisqu'on apprend des erreurs qui ont pu être commises, et on évite de les reproduire.
Il faut donc soutenir ces entrepreneurs qui ont connu des difficultés, car ils sont autant de sources potentielles de création d'emploi, de développement, de croissance. Ne pas les montrer du doigt, mais leur tendre la main.
Philippe Rambaud a vécu en 2008 les affres du dépôt de bilan. Il s'est aperçu alors qu'il n'existait rien, aucun dispositif, pour l'aider à franchir ce mauvais cap. Il a donc décidé de lancer " 60 000 rebonds " : 60 000, comme le nombre annuel de liquidations en France. Rebond, comme une logique de progrès, d'aller plus loin, de laisser derrière soit les obstacles.
L'association est présente dans plus de vingt villes en France et développe fortement son réseau. Avec l'appui de la CCI Rouen Métropole, elle vient de mettre le pied en Normandie, d'abord à Rouen, et très rapidement à Caen. 1 366 liquidations judiciaires ont été comptabilisées dans la région l'an passé.
Son président national, Guillaume Mulliez, en explique la philosophie : " Ce n'est pas parce qu'on rate une expérience professionnelle que l'avenir n'existe pas. Il s'agit de ne pas être en échec, mais de penser à la suite. Les dirigeants, qu'ils soient à la tête d'une start-up ou d'une PME industrielle, sont comme des trapézistes. Ils prennent des risques. Nous leur mettons un filet ".
- Trapézistes avec filet
Pour rompre l'isolement et rebondir le plus vite possible, un accompagnement de deux ans maximum est organisé par les bénévoles de l'association. Les chefs d'entreprise bénéficient du soutien d'un coach pour ses séances autour de la reconstruction personnelle et humaine. Ils peuvent s'appuyer sur les conseils d'un parrain. Ils consultent des experts qui interviennent en fonction des besoins (commercial, droit, marketing, finance, communication…). Ils participent à un groupe d'échanges et de réflexions collectifs. Cette démarche très complète a fait ses preuves : 90 à 95 % des dirigeants ont rebondi avant 18 mois, vers le salariat ou vers un autre projet d'entreprise. Sans accompagnement, il faut sept ans en moyenne pour s'en sortir.
" On est perdus. L'entrée au tribunal est vraiment traumatisante ", confie Yasmina Zakrani, qui a été accompagnée par 60 000 rebonds après la fermeture de son affaire de grossiste en fruits et légumes dans le sud-ouest de la France. " L'association identifie parfaitement nos besoins, ce sur quoi il faut travailler. Ils nous remettent dans une démarche positive, ils nous expliquent qu'on a fait de belles choses et que nous pouvons recommencer. Ils déclenchent une mécanique qui avait fonctionné ". " On se dit qu'on est armé, mais ce n'est pas vrai ", témoigne un autre dirigeant en rebond, Roland Bolarin.
Outre son action au quotidien auprès des dirigeants, 60 000 rebonds cherche aussi à faire entendre quelques revendications comme le droit à l'oubli (la liquidation est toujours mentionnée par la Banque de France), la création d'un droit à une allocation-chômage minimum sur 18 mois, ou le recours à un médiateur de la liquidation…
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