Comme une délivrance… La reprise, dès le 11 mai, d’une partie des activités de commerce a été vécue avec autant d’enthousiasme par les consommateurs que par les commerçants eux-mêmes. Il faut dire qu’après 7 semaines de confinement et une situation économique particulièrement exsangue, ces derniers n’ont d’autre souhait que de pérenniser leur activité. Car les chiffres de la Fédération Nationale de l’Habillement parlent d’eux-mêmes : les stocks de leurs adhérents que sont les commerçants indépendants s’élèvent à 2,5 milliards d’euros !
Une situation que l’on retrouve également chez les indépendants du secteur de la chaussure. A Alençon, Isabel Rousseau est la propriétaire des magasins Audace & Rousseau. « Il a fallu tout repenser. Nous avons commencé par détasser les allées pour que les clients disposent d’espace et nous proposons des chaussettes jetables pour pouvoir essayer les chaussures. Et si les clients n’achètent pas, celles-ci ne sont pas représentées tout de suite », prévient la directrice.
Autre particularité, l’enseigne disposant de deux adresses dans la ville, Isabel Rousseau propose de « privatiser » sa deuxième adresse pour les enfants de 4 à 8 ans. « Il suffit pour cela que les parents me préviennent à l’avance, et les enfants peuvent essayer leurs chaussures, sans craindre de marcher ou d’approcher de trop près d’autres clients dont le nombre est de toute façon limité à quatre ».
Comme nombre de ses confrères, Isabel Rousseau avait hâte d’ouvrir. « Nous avons été en mesure de le faire parce que nous avons bénéficié d’un accompagnement exceptionnel de la CCI. Ce n’est pas parce que j’y suis élue que je le dis : c’est un sentiment unanime ! C’est grâce aux collaborateurs de la CCI que nous avons eu des protections pour nos collaborateurs et nos clients, mais aussi des informations sur les aides ou les conditions de réouverture. Et quand ils n’avaient pas l’information sur le moment, ils nous rappelaient plus tard… », détaille fièrement Isabel Rousseau, qui sait néanmoins que la situation reste compliquée. Le déconfinement est en effet loin d’avoir emporté avec lui tous les tracas des commerçants.
« Ce qui nous préoccupe, c’est qu’en fonction de nos activités, nous ne bénéficions pas tous du même traitement. A la différence d’une grande enseigne, je suis par exemple dans l’obligation de vendre mon stock. Lorsque nous avons fermé nos portes au mois de mars, je venais juste de finir mon stock de mi-saison avec des chaussure semi-fermées. Or ce qui se vend aujourd’hui, ce sont les chaussures ouvertes… Et si les tendances de la saison prochaine changent, personne ne viendra récupérer les invendus… », détaille la commerçante.
« Tous les efforts qui sont entrepris pour aider les différents secteurs de l’économie française sont importants. Mais je ne voudrais pas qu’à la fin de la crise, il y ait une opposition entre ceux qui ont la possibilité de se faire entendre et les autres. Les indépendants sont l’image d’une ville et de son attractivité. Ce sont également eux qui prennent le temps de former les apprentis pour transmettre un savoir-faire. Or, si nous ne sommes pas aidés, que les banques ne nous suivent pas, il va se produire une réaction en chaine qui affectera jusqu’à l’ensemble de nos fabricants européens », prévient Isabel Rousseau.