Des smartphones Apple reconditionnés à Poilley dans la Manche (50)
C’est un marché qui n’en est qu’à ses débuts, mais dont les chiffres impressionnent déjà. Celui des smartphones d’occasion, dont les spécialistes annoncent des taux de croissance de l’ordre de 50 % par an. En France, deux millions de téléphones reconditionnés ont été vendus en 2016, soit 10 % du parc national, souvent par des jeunes motivés par la possibilité de mettre la main sur des modèles haut de gamme à un prix plus abordable. À l’heure de l’économie circulaire, de recyclage, de la préservation des ressources, la reconstruction est on ne peut plus dans l’air du temps.
L’intuition géniale de Matthieu Millet de se positionner sur ce créneau, quand il a lancé Remade voilà quatre ans, porte ses fruits. Il n’a pas forcément choisi le chemin le plus facile, animé de la volonté de « reproduire un produit conforme aux attentes du consommateur, techniquement et esthétiquement, en le remettant sur le marché sous notre propre marque ». Il s’est doté des moyens techniques et humains pour effectuer cette tâche en France, alors que les Chinois avaient pris la main. Il a privilégié la marque Apple, la plus appropriée pour assurer la viabilité de l’entreprise.
Ouvrir l'univers de la marque Apple
Quand un mobile arrive dans l’usine, s’il est en parfait état, ses données sont effacées, on vérifie sa provenance, il est nettoyé, les batteries sont changées, et après emballage, il repart dans le circuit commercial. Ceux sur qui des problèmes sont constatés sont entièrement démontés et subissent une quarantaine de tests, qui peuvent durer jusqu’à cinq jours, sur l’ensemble de ses composants avant reconstruction. Des processus très techniques ont été développés par les équipes de R&D de Remade pour apporter les bonnes solutions, qu’il s’agisse du traitement de l’aluminium, des écrans, de la coque ou des batteries. Et comme ce sont des métiers qui ne s’apprennent pas dans les écoles, Remade a lancé sa propre structure de formation, la « Remade Academy », entre formation pratique (deux lignes sont dédiées à cet apprentissage) et théorique, pendant quatre semaines, avec ensuite un suivi par un tuteur. 170 personnes ont été ainsi formées l’an dernier.
Les relations avec Apple sont assez informelles. « Nous échangeons avec eux, ils inspectent de temps en temps nos produits, cela se passe bien », explique Stéphane Mermillod, directeur commercial. Un iPhone reconditionné par Remade offrant la même expérience qu’un téléphone neuf, le produit n’est pas dénaturé, et la marque à la pomme y trouve son compte : elle dispose ainsi d’une entrée de gamme, lui permettant de toucher de nouveaux clients, de faire tourner son Apple Store, de leur ouvrir l’univers de la marque. Tout le monde est gagnant. D’autant plus que la politique commerciale d’Apple est très exigeante, leurs smartphones ont une valeur résiduelle élevée, d’une décote moindre ce qui encourage ses possesseurs à l’acte de revente.
Bataille de notoriété
Remade a su se faire connaître et reconnaître dans la distribution traditionnelle (le Web n’a pas son terrain de chasse, le jeu est trop souvent faussé) avec une présence dans la quasi-totalité des grandes marques, qui apprécient la qualité et les volumes constants. Il a fallu aussi gagner la confiance des chefs de rayon, leur démontrer que les taux de retour son relativement faible, que le modèle économique est pertinent. La prochaine étape est de tourner sa communication vers le grand public, pour remporter la bataille de la notoriété.
Les ambitions sont immenses, car les perspectives le sont. Le marché du téléphone reconditionné a le potentiel pour devenir le 3e acteur de la téléphonie mobile. Et Remade peut légitimement revendiquer cette place. Pour cela, il faut continuer à accélérer, en conservant la parfaite alchimie entre le mode startup pour l’agilité, la vitesse, la réactivité, et le poids d’un industriel majeur. Une levée de fonds et de la croissance externe ont contribué à consolider le groupe.
C’est dans le mode de fonctionnement de Remade de ne pas se reposer sur ses lauriers. Après des débuts en fanfare, qui l’ont conduit à produire 650 000 terminaux en 2016, le choix a été fait de repenser et renforcer les process industriels, d’écarter certains appareils de la gamme Apple, pour rester en cohérence avec le principe de « sortir un produit qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde ». Le site est désormais calibré pour traiter de 5 à 6 000 téléphones par jour. « Mais on ne s’arrête pas là. On veut accroître la production », reconnaît Stéphane Mermillod.
Accélérer, c’est construire d’ici 2021, à Tirepied, dans l’écoparc en bord de l’autoroute A84, un campus innovant et éco-responsable. Les premières images font immédiatement jaillir à l’esprit les sites des GAFA, avec des vastes espaces verts, des bâtiments modernes, des services pour les salariés, un site totalement innovant et unique dans la région. Accélérer, c’est aussi aller à l’international. Une première opportunité a été saisie au Maroc, par le biais d’un distributeur, offrant à terme l’occasion de se lancer vers le marché africain, où les produits Apple sont très en demande. L’Europe est également dans la ligne de mire de Remade, avec l’Espagne et l’Allemagne comme priorités. « Nous sommes allés au Mobile World Congress de Barcelone, nous avons rencontré un vif succès. Beaucoup de distributeurs sont à la recherche de la qualité et de la fiabilité des reconditionnements que nous proposons », remarque Stéphane Mermillod. « Nous allons avancer pas à pas, avec la volonté d’avoir des implantations pérennes dans les différents pays, donc avec un SAV et une hot-line ».
Copyright : Normandinamik