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Implanter une unité de production en milieu pénitentiaire, c’est possible !

Publié le  22/01/2024
Jacques-Olivier Gasly
On le sait peu, mais la France dispose de quelque 610 000 m² d’espaces de production et de 50 000 m² d’espaces de stockage, gracieusement mis à la disposition des entreprises par l'administration pénitentiaire. Si les conditions d’accès y sont évidemment strictes, cela constitue néanmoins une offre attractive pour qui veut valoriser le fabriqué en France ou encore sa démarche RSE…

En service depuis 1912 et installée sur les hauteurs de la ville, la maison d’arrêt d’Evreux abrite quelque 300 détenus qui y purgent des peines inférieures à 2 ans ou en attente de jugement. « Cela se sait peu, mais les détenus que nous accueillons sont souvent volontaires pour travailler durant l’exécution de leur peine », explique l’adjoint au chef d’établissement qui nous accueille pour cette journée particulière. Accompagnés du responsable du travail pénitentiaire et de la formation professionnelle de la maison d’arrêt d’Evreux, du chef de quart et du responsable des relations entreprises de la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires (DISP) de Rennes (qui couvre la Bretagne, la Normandie et les Pays de la Loire), nous avons en effet été conviés à suivre avec un industriel normand une présentation des lieux. Ou plus précisément une visite de l’atelier industriel qu’elle abrite.

« Les activités varient en fonction des centres… en Normandie, nous avons des ateliers spécialisés dans le conditionnement ou encore la réalisation de palettes. Mais nous avons également des unités dédiées à la confection textile, d’autres spécialisées dans la réalisation d’articles métalliques et même des unités agroalimentaires, pour la fabrication de confiseries », détaille le responsable des relations entreprises au sein de l’inter-région. Et à Evreux, pendant plusieurs années, les détenus ont été amenés à assembler et conditionner des voitures miniatures dont raffolent encore les collectionneurs adultes, avant que la production ne soit finalement intégralement délocalisée hors de France.

Après avoir satisfait aux vérifications et contrôles de rigueur, nous sommes autorisés à suivre nos guides jusqu’à l’atelier de la maison d’arrêt d’Evreux. Par sécurité, la porte qui sépare l’espace de livraison de l’atelier doit être ouverte de manière simultanée par deux gardiens, situés de part et d’autre de ce rideau de fer. Une mesure de sécurité qui s’ajoute à celles expliquées à l’industriel présent le jour de notre visite. « Ici, vous avez un espace de stockage pour vos marchandises. Celles-ci doivent en effet y être placées la veille de leur expédition afin d’éviter toute velléité de s’y cacher… », précisent les gardiens.

« Nous disposons d’un espace de 260 m² plus un espace de stockage de 90 m² au sol », poursuivent nos guides qui expliquent également les modalités opérationnelles de réception des marchandises et d’expédition des produits finis, ainsi que l’accueil du personnel encadrant de l’entreprise. « Si nous sommes responsables de la sécurité des lieux, il est bien du ressort de l’industriel de s’assurer de la supervision et de la qualité du travail réalisé », complète le responsable venu spécialement de Rennes pour cette visite. Un argument qu’a bien noté l’industriel, conscient que cette démarche pouvait en effet enrichir la politique RSE déjà engagée au sein de sa structure.

Des entreprises qui peuvent également valoriser cette sous-traitance quelque peu unique au travers du label Peps, initié en 2020 par Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux et ministre de la Justice. Ce label permet en effet de garantir des conditions de fabrication responsables et inclusives de produits et services réalisés en détention. Des détenus qui quant à eux bénéficient d’un minimum salarial tout en cotisant (assurance chômage…), dans la perspective de leur retour à la vie active, via un « contrat d’emploi pénitentiaire », renforcé à l’occasion de la réforme du travail pénitentiaire.

« Nous travaillons ici sur un public volontaire. A l’heure actuelle, nous avons par exemple une trentaine de personnes sur l’ensemble des détenus de la maison d’arrêt d’Evreux qui travaillent sur des postes d’auxiliaires (cuisine, buanderie, nettoyage, maintenance,… ) et une dizaine de stagiaires qui suivent des formations diplômantes. Par ailleurs, nous avons déjà recensé plus d’une centaine de demandes au sein de l’établissement pour effectuer du travail pénitentiaire. Il ne faut pas oublier que nous sommes sur un public qui avait une vie sociale et des compétences avant d’arriver chez nous et qui compte bien reprendre une vie normale à l’issue de leur peine », complète le responsable de site.

Actuellement, près de 350 entreprises ont fait le choix de recourir à des activités réalisées en centre de détention. Des entreprises qui peuvent également disposer d’un accès facilité aux marchés publics, les productions réalisées dans les ateliers pénitentiaires bénéficiant des mêmes statuts que celui des ESAT (Etablissements et Services d’Aide par le Travail) ou des SIAE (structures de l’insertion par l’activité économique) qui leur permettent de répondre aux clauses sociales et des marchés réservés de la commande publique.

Pour tout renseignement, contacter Benoit Grannec, responsable relations entreprises à la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires (DISP) de Rennes : contact-travail.disp-rennes@justices.fr – 06-24-02-21-14

 

Par  Jacques-Olivier Gasly